Scripta Mediaevalia 46
Mourir au château
Après avoir consacré tant de colloques à toutes les formes de “la vie de château”, les Rencontres d’Archéologie et d’histoire en Périgord ne pouvaient faire l’économie de « la mort au château ». Lieu de pouvoir, celui-ci obéit à un processus de ségrégation spatiale, sociale, symbolique, qui en fait le théâtre d’une dramaturgie aux multiples facettes, dont quelques-unes seront ici ressuscitées. Mourir au château, c’est d’abord, entre repentances et pénitences, se présenter nu devant Dieu. Et c’est ensuite abandonner sa dépouille aux vivants et laisser à leur discrétion funérailles, hommages et autres solennités. Rituels dont le déploiement affirme, du plus modeste repaire noble au palais du monarque, l’inscription d’une lignée dans un territoire, la force des liens entre seigneurs, vassaux et tenanciers, et l’affirmation, jusqu’à nos jours, d’une sociabilité aristocratique de la différence jusque dans la mort. Mourir en grand roi, tel Louis XIV à Versailles, ou bien en souverain d’une minuscule principauté, tel Charles III de Monaco, n’est qu’affaire de hiérarchie. Mais mourir en reine ? Peu d’entre elles, telles la princesse Fatima bint al-Ahmar à Grenade au XIIe siècle ou Anne de Bretagne, deux fois reine de France, ont été honorées à l’aune de leur naissance et de leur puissance. La mort fulgurante de Marie-Thérèse d’Autriche, épouse de Louis XIV, ne lui laissa pas le temps de dicter ses dernières volontés – en avait-elle d’ailleurs d’autres que de sauver son âme ? Mourir au château n’est pas toujours mourir philosophiquement dans son lit, tel Montaigne ! La violence est à l’origine même de l’univers castral : guerres féodales des chansons de geste, vengeances familiales, emprisonnements, mouroirs sous lambris pour tant de soldats de la Grande Guerre… Que d’âmes errantes et de spectres qui nourrissent les légendes familiales et reviennent avec entêtement sur les lieux de leurs crime ou de leur martyre ! Une visite au château de Montréal à Issac résume admirablement pour les lignées qui s’y sont succédé depuis le xiie siècle, les Saint-Astier, Peyronencq, Pontbriand, du Chesne et Faubournet de Montferrand, la victoire de la chapelle sur le donjon, exaltée par la présence d’une épine de la Sainte Couronne, pieusement conservée depuis la fin de la guerre de Cent ans.
Fiche technique
- volume
- 46
- Pages
- 254
- Langue
- Français
Références spécifiques
- ISBN
- 978-2-35613-519-3
Anne-Marie Cocula est Professeur émérite à l’Université Bordeaux-Montaigne ; présidente du centre François Mauriac de Malagar.
Michel Combet est maître de conférences honoraire à l’Université de Bordeaux – INSPE d’Aquitaine
Sur le même sujet
Scripta Mediaevalia 16
Le Château "à la une" ! Événements et faits divers
Actes des rencontres d'archéologie et d'histoire en Périgord les 26, 27 et 28 septembre 2008
Date de parution : 01/01/2009
Scripta Mediaevalia 2
Les marchands bordelais au temps de Louis XI
Espaces et réseaux de relations économiques
Date de parution : 01/01/1998
Scripta Mediaevalia 49
Gouverner l'argent public
Finance, fiscalité et écritures comptables à Bologne, de la commune du peuple (1288) à la seigneurie des Visconti (1360)
En dressant un état de la fiscalité à Bologne entre la fin du XIIIe siècle et la première moitié du XIVe siècle, ce livre offre un éclairage remarquable sur le fonctionnement politique et administr...
Date de parution : 02/09/2024