Scripta Antiqua 160
Au service de l’épigraphie romaine
Date de parution : 01/01/2022
Scripta Antiqua 53
Françoise Bercé Restaurer au xixe siècle ? Comment expliquer qu’entre 1830 et 1880 la commission des Monuments historiques est passée d’une conservation née des aspirations du milieu savant des antiquaires, à une gestion administrative des travaux de construction ? La définition de la notion de monument historique est en effet énoncée par Vitet, Didron, Guilhermy, mais elle est mise à l’épreuve des travaux de conservation qui sont confiés à des architectes dont les références sont bien différentes. Ainsi à des travaux d’entretien succèdent des restaurations et des reconstructions, qui s’exécutent à Nîmes sous la direction de Questel et de Révoil, sous le nom de “restauration complète”. Cette transformation répondait au goût de l’opinion et à l’usage qui est fait de ces lieux. Cette évolution s’explique également par la place tenue par les métiers du bâtiment après 1848, ainsi que par les bienfaits d’une main d’œuvre spécialisée pour la santé sociale. Idées qui sont exprimées dans les expositions universelles, notamment à Londres en 1862. Une restauration complète qui aboutissait à la renaissance d’un monument type ne répondait plus aux seules aspirations savantes, mais participait de la construction de l’histoire nationale. Hélène Bocard L’Antiquité photographiée : l’exemple de Nîmes (1840-1870) Aux premiers clichés des monuments nîmois (daguerréotypes) pris dans les années 1840 (aujourd’hui très rares), succède une période faste, véritable “âge d’or de la photographie”, qui a vu, dans le cas de Nîmes, les épreuves magistrales d’Édouard Baldus produites dans le cadre de la Mission héliographique (1851) ou de Bisson pour le duc de Luynes (1857), ou encore celles d’amateurs en voyage attirés par les richesses du Midi (Eugène Piot, Émile Peccarère). En même temps apparaissent les premiers ateliers locaux de photographes, comme celui d’Antoine Crespon, qui bénéficia des conseils de Baldus et se tenait au courant des recherches diffusées au sein de la jeune Société française de photographie. Dans les années 1860, les techniques et les formats se diversifient et les images des monuments sont plus largement diffusées, sous forme de séries ou d’albums. Si les photographies des monuments romains étaient avant tout destinées aux amateurs d’art ou aux touristes, en guise de souvenir de leur séjour dans la ville, elles furent aussi utilisées par les services des Monuments historiques pour documenter des restaurations en cours : on évoquera le cas de l’architecte Henri Révoil, en charge du chantier des Arènes, qui eut recours aux photographies de Baldus et de Crespon. Gérard Caillat La place des monuments antiques dans l’espace public à l’époque moderne : l’exemple de Nîmes Dès 1518, la Ville revendique la juridiction sur les Arènes et la Maison Carrée pour soutenir son exercice du droit de voirie et son refus de cotiser aux francs-fiefs. Le pouvoir royal, dont Jean Poldo d’Albenas est un zélé représentant, les met au service de la défense du royaume et de la construction de l’administration absolutiste. Témoignages d’ancienneté ou d’identité, les monuments antiques déjà apparents ou redécouverts sont impliqués dans la modernisation de l’espace urbain. Leur exploitation idéologique et leur mise en valeur oscillent entre la volonté de respecter les vestiges en tant que tels et celle de souligner tout à la fois leur actualité et leur résistance au passage du temps. Odile Cavalier “Né pour former un cabinet comme La Fontaine pour écrire des fables”. Les pagodes et marmousets du chanoine Pichony (1711-1785) À Nîmes, dans la seconde moitié du xviiie siècle, la personnalité, les travaux, les collections de Jean-François Séguier (1703-1784) dominent la scène intellectuelle. Néanmoins, en matière d’antiquités et de naturalia, la Genève française abritait d’autres ensembles prestigieux. Ainsi, le chanoine Pichony (1711-1785), lié au marquis de Calvière (1693-1777), amateur éclairé de peintures, dessins et antiques, au naturaliste Jean-Baptiste Roustan, au médecin et savant avignonnais, Esprit Calvet (1728-1810), amassa-t-il en une trentaine d’années des séries remarquables de monnaies, bronzes, sculptures antiques et modernes. La présente étude s’attache à retracer les réseaux du chanoine, ainsi que les principales étapes de la constitution de sa collection. Celle-ci, pour une part non négligeable, aboutit dans le cabinet de curiosités de l’érudit papimane, fondateur du musée qui porte son nom. Flore César et Marianne Freyssinet Curiosité antiquaire (1600-1750) : un antagonisme présupposé entre Nîmes et Montpellier ? Tout au long de l’époque moderne, l’antique cité de Nîmes a représenté une étape incontournable pour les curieux et voyageurs ; non loin, la “moderne” ville de Montpellier bien que forte de son université de médecine, est restée en partie négligée. La mise en perspective de ces deux villes révèle pourtant leur intérêt commun pour l’étude du passé qui permet de dresser un portrait d’une “curiosité antiquaire”. Si tous témoignent d’un souci d’observation des objets du passé, les pratiques se singularisent, l’une privilégiant le collectionnisme, l’autre s’illustrant davantage par ses écrits d’histoire et descriptions d’antiquités. De même, la tentation d’inscrire son nom dans la postérité prédomine chez les Montpelliérains, alors que la conscience patrimoniale se fait plus présente chez les Nîmois. Mais, à travers leur quête des origines, tous participent à l’élaboration d’une identité française. Michel Christol Un faux épigraphique de l’abbé Folard : une perversion du goût ? Un faux épigraphique de l’abbé Folard, chanoine de Nîmes, qui fut très proche de Jean-François Séguier dans sa jeunesse, a largement circulé dans la République des lettres, provoquant la confusion de certains, avant d’être dénoncé d’une façon unanime. Mais, outre les qualités propres de l’auteur, capable d’un pastiche de bonne tenue, le faux, qui relate la construction du Pont du Gard par l’empereur Antonin, pourrait entrer dans les débats du temps sur les moyens de donner à la ville de Nîmes une adduction d’eau convenable, et elle éclairerait ainsi la relation au passé qu’entretenaient les Nîmois du temps. Victor Lassalle L’héritage de l’Antiquité dans l’architecture nîmoise de la Renaissance et de l’époque classique Aux xvie et xviie siècles, le décor architectural des édifices nîmois, proches de nombreux monuments antiques, se distingue de celui d’autres régions, moins bien dotées à cet égard, par la place qu’y tiennent les emprunts (chapiteaux, frises, gargouilles, petits ornements) à ces monuments, qu’il s’agisse de ceux de Nîmes (Maison Carrée, Temple de Diane, amphithéâtre) et de la Provence (théâtre d’Arles, arc d’Orange). Parfois, des éléments inspirés par plusieurs monuments romains différents voisinent dans le même édifice. Frédérique Lemerle La réception des antiquités nîmoises (1500-1650) Parmi les antiquités les plus remarquables de la Gaule Narbonnaise, la cité de Nemausus offre les plus prestigieuses : l’amphithéâtre, la Maison Carrée, le temple dit de la Fontaine, la Tour Magne et le fameux Pont du Gard. Connus des étrangers qui les mentionnent très tôt, ces édifices attirèrent l’attention des Français à partir des années 1530, mais c’est Poldo d’Albenas qui les révéla au monde des érudits et des curieux. Le succès du Discours historial de l’antique et illustre cité de Nismes (1559), dû à l’exceptionnelle précision des illustrations, assura aux antiquités nîmoises un lectorat européen. Au xviie siècle, Rulman et Peiresc ont laissé des contributions manuscrites importantes, moins connues. C’est à ces antiquités prestigieuses, protégées par les souverains et le pouvoir municipal, que Nîmes dut de figurer en bonne place dans tous les Guides, Itinéraires et Cosmographies. Odile Parsis-Barubé Mutations du statut des “antiquités” dans la culture historienne en France, des Lumières au romantisme L’étude analyse l’évolution des liens qui se sont tissés, des Lumières au romantisme, entre antiquarisme, érudition et histoire. Elle met en évidence les mutations d’une culture antiquaire travaillée par les mouvements de fond qui accompagnent, entre le début du xviiie et le milieu du xixe siècle, la lente structuration d’une conscience périodisée des temps historiques, le rapprochement avec les sciences de la nature et la prise en compte, à côté des antiquités gréco-romaines, de ces “antiquités de la France” que la Révolution allait transformer en “antiquités nationales”. Elle montre comment la Révolution a pu constituer un puissant ferment de revivification des méthodes de traitement des antiquités sur lequel se fonde une redéfinition des figures de l’érudit, de l’archéologue et de l’historien. Elle se clôt sur le “moment Guizot” qui offre à l’antiquarisme français une reconnaissance institutionnelle jusqu’alors inédite et se donne à lire comme le moment où, dans le contexte du lancement de la statistique historique et archéologique de la France, se parachève le processus, enclenché à l’époque des Lumières, de fusion progressive des trois figures, de l’érudit, de l’historien et de l’antiquaire. Pierre Pinon Les Antiquités de la France de Charles-Louis Clérisseau Charles-Louis Clérisseau (1721-1820) a longtemps séjourné en Italie, a voyagé en Dalmatie et en Angleterre, a vécu à la cour de Catherine II de Russie, a peu construit, mais beaucoup dessiné. En 1767, il découvre les monuments antiques du Midi de la France, et décide de les étudier. Il relèvera les monuments d’Arles, de Saint-Rémy-de-Provence, d’Orange, de Vienne et surtout de Nîmes, entre 1767 et 1768. Il entretient une correspondance savante avec l’antiquaire nîmois Jean-François Séguier de 1775 à 1778, afin de préparer une publication sur les Antiquités de la France dont le premier volume, paru en 1778, est consacré aux monuments de Nîmes (la Maison Carrée, l’amphithéâtre, le Temple de Diane). L’ouvrage est réédité par son gendre, l’architecte Jacques-Guillaume Legrand, complété de nouvelles planches et d’un texte enrichi d’un historique et de descriptions archéologiques, en 1804. La publication s’arrêtera là, les monuments d’Autun, de Bordeaux, de Metz et de Paris, ne paraissant pas. François Pugnière Antiquaires et Antiquité à Nîmes au Siècle des lumières De Poldo d’Albenas à Graverol, toute une lignée d’antiquaires sut illustrer avec brio les vestiges du monde romain qui ornaient la cité. Le premier tiers du xviiie siècle, en regard, semble étonnamment terne, bien qu’il vît l’émergence du talent de Jean-François Séguier, dont la personnalité savante allait dominer la cité dans la seconde moitié du siècle. Les découvertes de la Fontaine, à partir de 1738, avaient entre temps renouvelé l’intérêt pour les antiquités, intérêt qui se traduisit par une floraison sans précédent, entre 1740 et 1780, de publications et de représentations figurées de qualité inégale. Du tome VII de Ménard à l’Index absolutissimus de Séguier s’affirma cependant une science antiquaire rationnelle et comparative, annonçant par bien des aspects la naissance de l’archéologie au sens où nous l’entendons. Le “goût de l’antique”, l’éveil du néoclassicisme, marquèrent par ailleurs durablement une cité, au sein de laquelle les monuments antiques tinrent de manière croissante une place centrale dans la structuration de l’imaginaire politique et esthétique et de l’espace urbain. Pierre Tardat Un antiquaire dans la “cité des Antonins” : Jean-François-Aimé Perrot (1790-1867) À Nîmes, au xixe siècle, Jean-François-Aimé Perrot compta au nombre des antiquaires, dans une ville où la romanité était une référence identitaire avec le label de “Cité des Antonins”. Le siècle les marginalisa peu à peu du fait de l’implication des pouvoirs publics dans la création d’institutions muséales et de l’émergence d’une conscience patrimoniale collective. Perrot, ancien soldat de l’Empire, fut chargé de la surveillance des travaux de dégagement des abords de la Maison Carrée puis du gardiennage du monument devenu un musée en 1823. Il forma son propre cabinet d’antiquités recueillant des pièces d’origine locale, mais aussi d’Italie et d’Égypte. Avant même l’ouverture de la section égyptienne du Musée Charles X (l’actuel musée du Louvre), l’établissement présentait un remarquable sarcophage double avec sa momie. D’autres pièces égyptiennes importantes suivirent. Par nécessité, Perrot se fit “marchand d’antiquités”, une activité officiellement déclarée, mais stigmatisée par ses détracteurs nîmois. Son cabinet, devenu le musée Perrot, proposait à la vente des trésors dont la promotion était assurée par ses publications. Ses ouvrages décrivaient, les uns, les antiquités de la ville de Nîmes et du Midi, les autres, la civilisation de l’Égypte antique. Engagé dans un conflit intellectuel au sujet de la dédicace de la Maison Carrée, il perdit son modeste emploi de concierge-garde du monument. L’année suivante, la notice du musée Perrot annonçait : “ce musée est à vendre”. Une grande partie des collections fut dispersée et le reliquat revint à la ville de Nîmes. Pascal Trarieux Les portraitistes de la Maison Carrée Le “pourtraict” de la Maison Carrée, contenu dans le Discours historial de Poldo d’Albenas, servit de modèle aux nombreuses représentations figurées qui ornèrent jusqu’à Ménard les ouvrages sur les antiquités de la ville. Deux types de démarches s’affirmèrent par la suite concurremment. La première, essentiellement architectonique, se développa à partir du modèle palladien, inspiré de Poldo d’Albenas, pour s’incarner dans la rigueur archéologique de l’œuvre de Clérisseau. L’autre, picturale, se développa particulièrement avec l’affirmation du “goût de l’antique”, comme l’illustre le recueil de Vérany Guérin et bien plus encore la série de tableaux peints par Hubert Robert dans les années 1780. Le point de vue qu’il adopta alors s’imposa désormais et fit de ce dernier le véritable portraitiste de la Maison Carrée.
Specific References
Sur le même sujet
Scripta Antiqua 160
Date de parution : 01/01/2022
Scripta Antiqua 41
Date de parution : 01/07/2012
Scripta Antiqua 2
Date de parution : 01/01/2000